EMPURIES

EMPURIES

EMPURIES

Située près d’une ville ibérique non identifiée (Indika), sur la côte de Catalogne, Empúries (en catalan) est une ancienne colonie grecque (Emporion) qui fut, par la suite, romanisée (Emporiae). Fondée par les Phocéens au début du \EMPURIES VI^e siècle, à la même époque que Massalia (Marseille), elle connut un grand essor démographique après la prise de Phocea par les Perses (\EMPURIES 540) et la bataille d’Alalia (\EMPURIES 535), et devint un des centres commerciaux des Grecs ioniens en Méditerranée occidentale. Elle était comme une sœur de Massalia, située à deux jours et une nuit de navigation d’elle, selon le pseudo-Kylax, qui cite Emporion en même temps que la colonie rhodienne de Rhode (Rosas), toutes deux dans l’actuel golfe de Rosas (Gerone), au sud du cap Creus, contrefort oriental des Pyrénées. À côté de la colonie grecque se trouvait la ville ibérique d’Indika, d’après les textes d’Étienne de Byzance, que confirment les émissions monétaires avec inscriptions ibériques au nom d’«Untikesken». Parmi les monnaies frappées plus tard, on remarque des drachmes portant la légende 林猪神礼福晴礼益 et la tête d’Aréthuse et Pégase au galop. Les Grecs s’établirent d’abord dans l’île de Sant Martí de Empúries, l’ancienne Palaiapolis des sources (Strabon), aujourd’hui rattachée au continent. Plus tard, mais encore au \EMPURIES VI^e siècle, un accroissement démographique fit naître un second noyau urbain, que les archéologues ont baptisé Neapolis, par opposition à Palaiapolis; les deux sites étaient séparés par un port naturel, comblé par les alluvions du Fluviá.

Grâce à son port commercial (emporion), Ampurias fut le théâtre du premier débarquement des Romains dans la péninsule Ibérique (\EMPURIES 218), dans le contexte de la seconde guerre punique: Cneius Scipion avait pour mission d’attaquer l’arrière-garde carthaginoise alors qu’Hannibal avait porté la guerre en Italie. Après un début de conquête de l’Hispanie par les Romains, les soulèvements indigènes de \EMPURIES 197 dans le nord-est de la péninsule les contraignirent à se retirer. Selon Tite-Live, le consul Marcus Porcius Caton débarqua à Ampurias en \EMPURIES 195, fonda un établissement militaire et prépara la conquête définitive de l’Hispania romaine. Toujours selon Tite-Live (XXXIV, 9), avant le passage de César, une fois vaincus les partisans de Pompée à Munda (\EMPURIES 45), Ampurias était une dypolis gréco-indikète, les deux communautés étant séparées par une muraille à l’intérieur d’une même enceinte fortifiée.

C’est alors que commence la décadence de l’emporium grec, partisan de la faction de Pompée, et qu’apparaît un municipe romain qui frappera des monnaies latines, tandis que disparaissent des courants commerciaux grecs de Méditerranée occidentale les séries grecques inspirées des types de Carthage, Syracuse ou Athènes. Les séries d’Indika disparaissent également. Les études archéologiques et numismatiques récentes tendent à signaler des noyaux de population romaine à Ampurias dès l’époque de Caton. À partir d’Auguste, et lors de son séjour en Hispanie pour diriger la guerre contre les Cantabres et les Asturiens, le rôle prépondérant passa d’Ampurias à Tarraco, capitale de la province d’Hispania Citerior. Sa vie commerciale et provinciale dura jusqu’aux invasions des Francs et des Alamans, à l’époque de Gallien, en 265 — date à laquelle elle subit d’importantes destructions, comme le prouvent les trouvailles archéologiques. Plus tard, une population chrétienne occupe l’ancienne Palaiapolis (Sant Martí), tandis que la Neapolis se transforme en une vaste nécropole chrétienne dotée d’une basilique funéraire, au-dessus des constructions gréco-romaines. Pendant l’Antiquité tardive, Ampurias fut un siège épiscopal et joua un rôle politique et religieux. Charlemagne fonda le comté d’Ampurias qui, comportant deux pagus — Ampurias et Perelada —, faisait partie de la Marche hispanique. Au XI^e siècle, la capitale fut déplacée à Castelló d’Empúries.

Les fouilles, commencées en 1908 par J. Puig i Cadafalch et E. Gandia, poursuivies par P. Bosch Gimpera (1932-1936), M. Almagro (1939-1958), E. Ripoll (1959-1980) et, depuis 1981, une équipe pluridisciplinaire ont mis au jour l’ensemble urbain décrit par Polybe, Strabon et Tite-Live. D’une part, l’ancienne Palaiapolis — premier ensemble fortifié où se trouvait le sanctuaire de l’Artemis d’Éphèse — montre des niveaux de \EMPURIES 600-\EMPURIES 575 environ et d’autres, tardifs, du IV^e au VI^e siècle. Des fouilles récentes ont mis au jour une occupation autochtone datant de l’Âge du bronze final. D’autre part, la Neapolis est une ville grecque que ses niveaux inférieurs permettent de dater vers \EMPURIES 575 ou \EMPURIES 550. Son plan est de type hippodamique protégé par une muraille cyclopéenne à portes flanquées de tours, et on y remarque un Asclépéion avec trois temples consacrés à Asclépios, à Hygie et à d’autres divinités au pouvoir guérisseur. Une magnifique statue d’Asclépios, original grec en marbre du Pentélique datant du \EMPURIES III^e siècle, a été exhumée près de son édicule. Sur une plate-forme située derrière, à l’est, se trouve un temple tétrastyle consacré à Zeus Sérapis, d’une structure semblable à celle du sanctuaire d’Isis à Pompéi; bâti tout près de la paroi sud de l’enceinte cyclopéenne de la ville, il n’est pas antérieur au \EMPURIES I^er siècle. À l’époque hellénistique, on construisit une admirable stoa et une agora dans le centre de la ville, véritable cœur commercial et politique. La ville grecque comprend une série de demeures et d’édifices républicains et postérieurs, en particulier dans le quartier du port. On rencontre de nombreux pavements en opus signinum avec inscriptions grecques. Outre les riches trouvailles de sculptures (Esculape, tête de femme scopaïque, petite Vénus de tradition praxitélienne, etc.), il faut signaler la présence d’une abondante céramique grecque préattique — Naucratis, Rhodes, Corinthe, Chypre et l’Ionie — et attique, du \EMPURIES VI^e au \EMPURIES III^e siècle. Sur un ancien apodytérion thermal d’époque augustéenne s’était installée au IV^e siècle une basilique, centre d’un cimetière chrétien utilisé jusqu’au début du VIII^e siècle, et peut-être encore à l’époque du repeuplement carolingien.

La ville romaine, attribuée jusqu’ici à l’initiative de César, mais probablement plus ancienne (100 av. J.-C.), occupe une enceinte fortifiée rectangulaire (700 m 憐 300 m) à l’ouest de la Neapolis, au sommet de la colline. La ville est construite selon un système orthogonal dû probablement à l’existence d’un praesidium (forteresse romaine) et aux rues déterminant les axes principaux. On a fouillé un forum bordé d’édifices publics et de temples (on y a trouvé la statue d’un magistrat, datant du I^er siècle après J.-C.). Les maisons étaient ornées de beaux pavements de mosaïque, généralement noir et blanc à la manière des ateliers de la Rome ou de l’Ostie antiques. Les fouilles ont livré un abondant matériel céramique et numismatique, qui permet de suivre l’évolution historique et économique de la ville, en rapport avec l’Italie et avec le reste de l’Hispanie romaine. Près du mur sud de la muraille romaine se trouve un amphithéâtre rural à cavea de bois et une palestre rectangulaire. Ampurias, qui offre au visiteur un musée pédagogique bien aménagé dans un couvent de moines servites datant du XVII^e siècle, est, depuis 1908, le centre de recherches archéologiques intenses.

Encyclopédie Universelle. 2012.